lundi 29 septembre 2008

autarcie, autarcie...



on peut voir l'autarcie de façon parfois très diverse, alors j'ai essayé de faire une classification afin de pouvoir mieux situer ce que l'on entend par là, et aussi voir où l'on se trouve lorsqu'on expérimente... :

- l'autarcie "pure et dure" : ben on n'achète rien et on n'a besoin de personne... :
çà risque de poser des problèmes si on n'a pas une mine de sel et de silex à portée de main... ou de pied...
on peut quand même persister dans son autarcie si on prend son balluchon et que l'on va se chercher sa ration décennale de sel et de silex...
ce qui est tout à fait envisageable.
on peut aussi se passer de sel : on peut très bien manger sans sel et allumer son feu au moyen de la friction de baguettes de bois, aussi...



- l'autarcie partielle commence dès lors que l'on a besoin de quelque chose d'extérieur :
si je dois me procurer du sel ou de quoi allumer un feu il va probablement me falloir le troquer et je suis donc obligé de produire quelque chose en plus et quelque chose d'intéressant et en quantité suffisante... qui puisse se troquer...
il faut alors que l'autre ait besoin de ce que je lui propose, ou encore qu'il puisse à son tour le troquer contre autre chose...

dans l'ordre de "préciosité" ce qui risque encore de me poser des difficultés :

- l'argile et la possibilité de réaliser des objets et surtout des récipients étanches et réfractaires...

- le fer : il faut du minerai et le savoir faire de la forge... et du charbon de bois, ou alors il faut se passer de fer (ce qu'a fait l'humain durant des millénaires, et certaines populations jusqu'assez récemment) car il n'est pas évident de trouver du minerai de fer et de le transformer...

l'argile se trouve plus facilement que le fer mais il faut tenir compte du fait que les deux sont lourds à transporter... s'il faut les emporter loin...

- c'est le fer qui va nous permettre éventuellement de fabriquer une roue : là aussi c'est quasiment un choix de société, des civilisations entières ne se sont jamais mises à la roue (Afrique, Amérique, Océanie, montagnes) : il s'en suit que le modèle de civilisation en sera tout différent...




le reste je peux le produire mais il me faut quand même l'énergie, le temps et le savoir faire :

- la nourriture d'abord... sinon on est mal : si l'on veut manger matin, midi et soir ( mais probablement que l'on mangerait bien moins souvent et différemment) 365 jours de l'année, cela implique de pouvoir cueillir, cultiver et conserver, notamment durant les six mois de saison non productive... pour soi-même, mais multiplié par autant de personnes qui vivent au"foyer"...
vivre de chasse me semble impossible : non seulement la viande ne nourrit pas son homme mais je risque de devoir attendre que mon chevreuil meurt de vieillesse avant de pouvoir l'attraper... chasser les escargots, peut-être...

- vêtements et chaussants : il faut cultiver des fibres textiles, savoir en faire un fil et savoir ensuite le tisser - tout cela en quantités suffisantes (on risque d'avoir des problèmes s'il faut fabriquer un drap par exemple : il faudra peut-être trouver autre chose) - on peut aussi faire de l'élevage s'il s'agit de la laine et du cuir... (pour le cuir il faut envisager l'abattage des animaux) (mais après il faut arriver à se fabriquer des chaussures pour l'hiver - de préférence étanches à la neige, la pluie, la boue... (en été le problème se pose moins)... quant à la laine, elle semble devenir indispensable plus on remonte vers le nord...

- l'habitation : un abri devra probablement se construire avec des matériaux trouvés sur place, ou pas trop loin : absence de briques cuites, ciment, et tuiles... la façon de faire dépend aussi des outils dont on dispose : si on n'a pas de fer on ne pourra pas facilement couper des arbres, ni débiter des planches... et si on n'a pas de roue on ne pourra pas transporter les choses trop loin...

- le chauffage sous nos latitudes demande aussi une bonne organisation : avec des outils en fer on peut débiter du bois, mais sans eux çà change du tout au tout... et sans la roue se pose aussi le problème de l'acheminement du bois de chauffage... j'ai bien l'impression que le feu sert à cuire les aliments avant de servir à se chauffer...

voilà grosso modo les choses auxquelles il faudrait penser si on pense "autarcie"... pas simple en tous cas... :-)



on peut ensuite par curiosité s'amuser à placer le décor non pas sur une île comme Robinson Crusoe, mais par exemple dans les ruines fumantes du monde moderne...

- on n'achète rien, puisqu'il n'y a plus rien, et si on s'entend on peut se regrouper : mais cela impliquera de produire autant de multiple ou d'unités (alimentation, vêtements, etc...) qu'il y a de personnes présentes dans un groupe...
- le sel est aussi absent, de même que les moyens d'allumer un feu
- l'argile pas vraiment besoin tant que l'on dispose des vestiges du monde moderne (récipients métalliques et verre, par exemple)
- le fer est très présent : le problème serait de le transformer (grande quantité de charbon de bois) mais on peut éventuellement disposer de quelques outils...
- la roue a forgé le monde moderne : mais il n'y a plus de moteur pour la faire tourner... ni d'ailleurs la gonfler le cas échéant...
- il y a un peu de réserve de vêtements et chaussants mais pas pour longtemps... donc juste un petit répit...
- de la nourriture il n'y en a probablement pas, ou pas pour longtemps, vu le nombre de bouches à nourrir.
- des habitations il y en a beaucoup, mais pas forcément viables (eau potable, ne parlons pas de l'absence de lumière et de chauffage)














les grosses roues de transmission de notre scie désaffectée : tout cela a tourné dans le temps d'abord à l'eau, ensuite au gasoil (lorsque l'eau du ruisseau n'y a plus suffit en raison des besoins des villages environnants) puis en dernier lieu à l'électricité... jusqu'à la désaffection faute de rentabilité...


11 commentaires:

Anonyme a dit…

hopopop ! 1)Vivre de chasse est tout à ait possible (avec un ratio humains-animaux type paléolithique)
2) la viande nourrit -très bien- son homme de 7 lunes à 77 printemps
3) et quant bien même on ne dispose d'aucun armement, ou que de celui fournit pas la dépouille des proies précédentes.
C'est l'avantage de notre omnivorisme hyperadaptable : on peut se reporter sur l'animal ou le végétal, de partiellement à totalement, selon les impératifs du moment. Par exemple dans le cadre d'une territoire restreint avec une forte population humaine, le plus sage est le choix végétal. Bonne rentabilité spatial, mais faible rentabilité énergétique (calorie-travail)
Dans un territoire vaste, très peu peuplé, le choix animal peut être judicieux. Peu de chasseur peuvent récolter beaucoup de calories.
Le tout c'est d'avoir assez de science pour trouver l'indispendable dans chacune des deux catégories. Les inuits par exemple ne voyaient pas une salade de leur vie et ce n'est pas de ça que leur civilisation est morte.

Anonyme a dit…

Bonsoir,

Vivre seul en autarcie n'est faisable qu'à court terme, trop de matière première sont necessaire.
Vous parler du bois pour le chauffage, imaginer un habitat sans fenetre (si plus de verre), la température sera basse en hiver!

Le mieux à long terme et de créer un ensemble de connaissance comme un réseau ou chacun fournira sa spécialité aux autres.

Lire vos articles est un grand plaisir, ils sont trés interéssants, merci.

geispe a dit…

à propos de chasse : je ne sais pas s'il existe des humains exclusivement carnivores et même les Inuits mangent ou mangeaient des végétaux, des baies, et le contenu des estomacs des rennes, etc... mais surtout, chez nous, si on a le choix il doit être plus simple de cueillir et/ou cultiver que d'aller chasser avec des moyens rudimentaires ?
la viande ne me semble pas tellement calorique ? j'ai trouvé 160 calories pour 100g de viande maigre (gibier) contre 650 calories pour 100g de noix qu'il me suffit de ramasser...
(partir à la chasse (aléatoire) me semble consommer au moins autant sinon plus de calories en tant qu'activité que la culture ou la cueillette ?)
et enfin pour moi se rajoute encore la question de l'état d'esprit... et même si utopique aujourd'hui, je m'attends plutôt dans le futur à un humain qui aura trouvé des solutions (car elles restent à inventer) et évolué, et qui n'aimera plus la violence...
:-)

geispe a dit…

tout seul en autarcie totale me semble effectivement très difficile si on veut partir de rien... mais sous des latitudes plus douces peut-être...
pour le chauffage je crois que c'est aussi une question d'habitude : à l'époque on devait effectivement se chauffer beaucoup moins dans des chaumières bien sombres, et le feu servait surtout à cuisiner... et accessoirement à chauffer et éclairer.
mais la température est la même que l'on soit seul ou à plusieurs, non ? encore que j'ai remarqué qu'une pièce où il y a plus de monde chauffe plus du fait du nombre :-)
l'avantage à plusieurs est de se partager le travail du bois de chauffage ; par contre à l'expérience je me rends compte qu'il faut une certaine volonté et discipline pour ne pas finir par le laisser faire à l'autre : pas forcément facile de respecter "chacun sa part"...
la spécialisation oui... mais elle marque le début des problèmes de valeur du travail et de partage des tâches aussi :-)
merci à tous pour vos lectures et commentaires...

Anonyme a dit…

Ne pas négliger que nos nourritures ne sont pas seulement terrestres : se suffire à soi matériellement, possible ou pas? ici ou ailleurs? mais au fond quel intérêt ?
Nous sommes des animaux sociaux fondamentalement. Et cela est particulièrement pertinent dans les périodes difficiles (type effondrement economique par exemple...)
On peut bien sûr concevoir intellectuellement une autarcie matérielle qui libèrerai les rapports humains, seulement régit alors par les sentiments, l'esprit...Mais c'est une bizzarerie de l'idéologie occidentale actuelle que de faire de l'économique (du matériel) une chose à part.
Les relations sociales se nourrissent d'échanges matérielles, en particulier dans le cadre de sociétés agraires. Les inter-dépendances fondent les liens sociaux les plus solides.
Autant l'autonomie permet de réduire (et de réduire seulement) les soumissions (au patron, à l'épicier, au banquier), autant l'autarcie absolue confine à l'individualisme forcené est une impasse morale autant que matérielle (qui fera ma récolte si je me casse un jambe ?).
Tout est affaire de moyen terme entre autonomie et dépendance, mais pousser le curseur à une extrémité ou une autre, c'est un fantasme stérile. L'hyperspécialisation est un servage dangeureux, elle nous met à la merci de la moindre faille du système et nous contraint à toutes les soumissions. L'hyperautonomie, autrement dit l'autarcie stricto sensu, est une impasse; et de toute façon complètement fantasmatique, ne serai-ce que parce qu'elle nécessite un ensemble de connaissances qui ne peuvent être capitalisées et transmises que dans le cadre d'un système social, fut-il réduit à une galaxie de clans.
Nous n'avons presque plus de pelage, nos pieds ne sont plus préhensiles, donc vivre en solitaire dans les arbres et se contenter de copuler 2/3 fois l'an, en laissant madame se démerder avec le rejeton, ça n'est plus possible. C'est sans doute le constat qu'on fait les paléohominidés quand ils ont commencé à faire des clans, des huttes, taper sur des galets, et élaborer un language pour se transmettre leurs connaissances.
Sans doute d'ailleurs l'idée d'autarcie individuelle stricte ne peut-elle se faire jour qu'après quelques millénaires de développement -forcément collectif-du language et des concepts intellectuels.
Comme le bébé qui réalise un jour que le sein qui le nourrit est celui d'un autre être humain, indépendant de sa propre volonté, il nous faut renoncer au fantasme de la toute puissance pour envisager notre incomplétude non comme un servage mais comme une force contructrice.
La fin du pétrole sera-t-elle l'avènement de l'autracie ? Je me demande si ça ne sera pas au contraire le retour d'une société très cohérente et contraignante(jusqu'à l'étouffement même !)parce que des liens forts d'interdépendance seront impératifs entre gens du même quartier. Etre un excellent informaticien, par ex., ne suffira plus à se nourrir (au supermarket) se déplacer (en bagnole) et avoir des rapports sociaux (via des écrans et des téléphones). Il faudra sans doute savoir faire son jardin , bâtir son logement, réparer ses outils et surtout échanger intensivement et à tous les niveaux avec son voisinage immédiat pour pallier nos manques, matériels et moraux.
C'est plutôt là que j'imagine les fondamentaux ne la société "postpétrolière".
Et ça n'est peut-être pas si cataclysmique.

geispe a dit…

l'intérêt de commencer par se suffire à soi est de savoir se débrouiller et ensuite de ne pas se faire exploiter ni d'exploiter l'autre. une fois que l'on a fait cette expérience on a tendance à voir les choses différemment.
les dix mille années passées nous ont démontré que les connaissances capitalisées l'ont surtout toujours été au profit d'une minorité.
le modèle du futur reste à inventer... et l'atout de l'humain conscient est justement qu'il peut réfléchir, choisir et organiser...

Anonyme a dit…

Une chose peut être sure, il faut être multitâche, autonome et autodidacte pour survivre dans une société sans pétrole.
Cependant imaginer une société sans pétrole qui soit sure et facile à vivre au quotidien relève de l'utopie car certain seront honnête alors que d’autre préférerons pilier, voler et peut-être pire encor.
Mieux vaut être prêt pour le pire !!

Anonyme a dit…

"Etre prêt pour le pire" Ah ! le beau moyen de le faire advenir. La culture d'auto-défense est-elle un bon rempart à la criminalité ? Cherchez la réponse du côté des Etats-Unis.
Dans la logique du pire (scénario mad max), à quoi bon s'échiner à s'autonomiser puisque des gangs surarmés viendront te razzier aussi sec.
Mieux vaut donc apprendre le kung fu et huiler son flingue chacun dans son coin. Et plutôt que des courges, mieux vaut cultiver des relations dans le milieu, parce que quand surviendra la grosse crise, mieux vaudra être le gang le plus puissant...Logique monstrueuse et sans issue : les survivants seront une belle sélection de s....ards, parfaitement infoutus de produire qqchose d'utile, et voués à crever d'une balle ou de faim. Certains pensent d'ailleurs que les humains de méritent pas mieux, mais ceux-là, je ne comprend pas pourquoi ils ne commencent pas par eux.
Que la période post pétrolière ne soit pas "sûre et facile à vivre", c'est un hypothèse. Que la période actuelle soit violente et difficile à vivre, c'est une certitude.
Le pétrole a permis l'avènement ultra-rapide de sociétés d'hyperspécialisation, donc très hierarchisées, avec des relations de plus en plus verticales. Au sommet, une poignée de rentiers boulimiques exploitent une base de milliards d'humains qui en sont étroitement dépendant pour survivre parce que leur production et leur rapports sociaux ne leur
permettent pas de dire "merde".
S'autonomiser, s'universaliser, oui mille fois mais de grâce ne nous claquemurons pas en attendant le gros krack, la peur au ventre et le flingue à la main. ça va vite sentir le rance...
entre une récolte de patate et une semaille d'orge, cultivons aussi nos rapports sociaux horizontaux. Parce qu'en dernier ressort, c'est eux qui assureront notre sécurité et notre survie matériel.
Amen.

geispe a dit…

on a toujours tendance à être très influencé par tout ce que l'on a vu à la télé :-)
(je viens d'emprunter Los Angeles 2013 à la médiathèque pour le revoir - sur mon ordi car j'ai pas de télé : et c'est surtout la fin que j'aime bien)
à mon avis il y aura autant d'orties à manger que l'on soit du milieu, du côté, ou d'ailleurs...
savoir quel scénario va se passer et comment est difficile...
pour l'instant par exemple, la crise financière risque de nous appauvrir et nous tiers-mondiser bien avant que le pétrole ne s'épuise...
c'est pour cela que je préfère être polyvalent, mais un quelconque armement ne fait pas partie de mes outils... je trouverais çà superflu et préfère mettre à profit du savoir faire, le cas échéant :-)

POSSINOU a dit…

Bonjour Geispe! Après une année entière de "crise professionnelle" (genre j'arrête tout et je fais autre chose pour oeuvrer en faveur de la planète), à appeler de mes voeux une vie en autarcie complète, j'ai compris:

- Qu'en tant que femme, il faut du temps pour s'occuper de ses enfants jusqu'à ce qu'ils aillent à l'école, ce qui en laisse peu pour travailler, voire pas du tout (au moins pour rapprorter de la nourriture et se chauffer),ce qui suppose un mari (ou l'équivalent) pendant au moins 3 ans

- Que l'homme peut réduire ses besoins à autrui au minimum, les relations humaines fondées sur l'échange de produits et de services est bon en soi, car chacun apporte son savoir-faire (untel sait et a le temps d'élever des chêvres, et moi celui d'aider les gens à résoudre leurs conflits)

- Que travailler à la campagne c'est déjà oeuvrer pour la planète puisque c'est relocaliser un métier. Mon travail, bien que prestation de service, tout comme le médecin de campagne, a sa place ici et contribue à tisser des liens de proximité.

Alors, autarcie doit-elle être un but en soi, ou plutôt un moyen de limiter nos besoins à...l'essentiel?

geispe a dit…

intéressant... ce genre de crise a tendance à arriver surtout en période septennale : ce sont des périodes de remise en cause (c'est mon autre dada des rythmes et cycles humains http://cycleseptennal.blogspot.com/

l'autarcie comme un but en soi, pas vraiment, sauf s'il s'agit d'un exercice personnel : on peut avoir envie de vivre en ermite, par exemple.

pour moi l'autarcie est plutôt vue comme un essai de mise au point d'une sorte de "module de base" permettant diverses choses comme prendre conscience de la vraie valeur des choses, car on ne la connaît qu'après avoir fait soi-même, et bien sûr s'efforcer de se suffire à soi-même pour ne pas engendrer de fil en aiguile un système de forces qui vont tôt ou tard avoir des problèmes d'équilibre. une fois un tel "module autarcique" au point, on doit pouvoir en assembler autant que l'on veut, pour vivre ensemble, et cela se fait alors dans un autre état d'esprit : avec l'idée du respect et du don plutôt que l'échange qui implique un retour... et donc une dépendance.
un assemblage d'invidivus autonomes va pouvoir fonctionner de façon satisfaisante, alors qu'un groupe régit par des lois communes ne le pourra pas.

aujourd'hui vouloir vivre en autarcie serait plutôt à rapprocher de la simplicité volontaire (poussée) mais personnellement je ne cesse de croire que le futur va probablement nous mettre en situation d'avoir à inventer un autre monde, qui ira dans ce sens - et je prends en quelque sorte les devants, par curiosité et dans l'esprit dont je parle ci-dessus.... :-)